Avertissement : Ce texte est une présentation des notes et non pas un texte finement rédigé ;-) Merci pour votre indulgence
Introduction - Ce que Laudato Si’ a changé dans ma vie
- Engagée depuis 2004 sur les chemins de l’écospiritualité. Lors d’une rencontre « Ecologie et Spiritualité » à l’institut bouddhiste Karma-Ling, rencontre avec les
grands précurseurs de l’époque: JeanBastaire, Jean-Marie Pelt, Pierre Rahbi, Michel Maxime Egger et bien d’autres… et fondement de mon ancrage en écospiritualité.
- Dimension interspirituelle avec la création du Réseau des écosites sacrés, pour relier et accompagner les communautés spirituelles dedifférentes traditions sur la question de l’écologie. Toutes les sagesses ont quelque chose à apporter.
- Depuis 2011, investissement plus spécifique dans ma sphère chrétienne avec la création de Chrétiens Unis pour la Terre [1] (interpeller les croyants sur la question écologique, relierles engagés, leur offrir des ressources pour cheminer, être plaidoyer auprès des institutions...)
- Création de l’association AnimaTerra pour aller plus loin, dans la conviction qu’une véritableconversion ne pourra se faire sans uneréconciliation profonde avec la Terre et le Vivant et sans un dialogue interreligieux et interdisciplinaire.
- Lien profond de longue date avec François d’Assise qui a été mon « inspirateur en chef ».
- 2015 - Publication de la revue Présence intitulée « Choisis la vie ! Approche spirituelle del’écologie » dans le cadre du Forum104 (Paris) (en même temps que lapublication de Laudato Si’ )
En juin 2015, j’ai vécu l’arrivée de l’encyclique comme unedéflagration, ENFIN ! un espoir, le début d’une amitié, la confirmation demes intuitions et de mon engagement…. Je me suis élancée encore plus fort, persuadée que cela bougerait considérablement et partout.
1- Paysage chrétien avant Laudato Si’
Des mouvements chrétiens, des organisations, des lieux, des personnes… , qui ont été fortement engagés en écologie, ont également été de précieux ferments pour son émergence.
- CVX, atelier« chrétiens co-créateurs de la Création », poursuit son engagement au
sein des communautés CVX assez actives.
- Pax Christi et son antenne « Paix, environnement & modes de vie " fait le lien entre paix et environnement, « Si tu cherches lapaix, protège la Création ! », autour de Mgr Stenger et un groupe motivé : Jean-Pierre Ribaud, Jean Bastaire, Olivier Moulin-Roussel, Jean-Pierre Raffin par
exemple, et la publication de l’ouvrage « Planète Vie, Planète mort, l’heure des choix »
- La Commission Justice, Paix et Sauvegarde de la Création, en lien avec la KEK (Conférence des Eglises Européennes) et le CCEE (Conférence Episcopales chrétiennes), et les grands rassemblements œcuméniques de Bâle en 1989, de Graz en 1997 et de Sibiu en 2007.
- L’ECEN (European Christian Environnemental Network) a contribué à l’essor de l’engagement chrétien en écologie en Europe. Formidable de voir tous ces pays et toutes ces différentes églises se rassembler. En 2023, ils ont fêté les 25 ans du réseau au Danemark ! Ils sont à l’origine du Temps pour la Création
- Temps pour la Création, du 1er septembre au 4 octobre chaque année ,généré par les groupements européens au départ en 1998. Aujourd’hui repris par tout le monde.
- Chrétiens et pic de pétrole – Lyon, a disparu du paysage. Avait organisé avec la Chaire Jean Bastaire un cycle deconférence « La réception de l’encyclique Laudato si dans la militance écologique » .
- Paroles de Chrétiens à Nantes [1]. Tout un groupe de travail. Publication de l’ouvrage "Pour un engagement écologique ; simplicité et justice". Toujours actifs. Diocèse de Nantes engagé sur le désinvestissement des énergies fossiles, avec Grenoble. Répertoire des terrains disponibles de Nantes pour mettre en réserve naturelle… Organisent une rencontre chaque année… [1] Note de Anne Doutriaux : Écologie Parole de Chrétien est depuis devenu une organisation membre du MLS.
- Chrétiens et écologie dans le Loiret, existent toujours.
- Les cahiers de St-Lambert, par Dominique Lang et Fabrice Nicolino. Bayard presse a jugé quecette publication n’était pas utile, parce que pas rentable.
- Les Assises chrétiennes de l’écologie à Saint-Etienne en 2011 et en 2015, grande prise de conscience et grand regroupement.
- Les campagnes "Noël Autrement", "Été autrement" rassemble des mouvements chrétiens
- CCFD était déjà engagé sur l’écologie mais s’est développé ensuite plus encore
- Des monastères engagés (En Calcat, La Pierre qui vire, Solan, Taulignan, Foyer Marie-Jean, Arche de St-Antoine, Gwnevez … (cf, mon ouvrage : « Sur la Terre comme au Ciel ; lieux spirituels engagés enécologie, ed. Labor et Fides)
- Des personnes pionnières : Jean Bastaire (écologie franciscaine), Jean-Marie Pelt (chrétien et écolo), Michel Maxime Egger (orthodoxe qui a ouvert le chantier de l’écospiritualité chrétienne et la développé la notion de pananthéisme), etc.
2- GénérationLaudato Si’, les grands apports de l’encyclique
- S’inscrit dans une continuité historique et de pensée
Hommage et reconnaissance du travail des prédécesseurs (Patriarche Bartholomée, Jean-Paul II, Benoit XVI…) et des grands penseurs/théologiens (Romano Guardini qu’il cite souvent, ou Leonardo Boff (théologien de lalibération) à qui est attribué l’inspiration de l’encyclique : « La solidarité, la compassion, la communion et d'amour. Ces valeurs et les pouvoirs intérieurs peuvent jeter les bases d'un nouveau paradigme de la civilisation, la civilisation de l'humanité réunie dans la maison commune, sur la Planète Terre... Notre mission est de célébrer la grandeur de la Création. » — Leonardo Boff, Discours d'acceptation du prix Nobel alternatif 9 décembre 2001. - Dimension œcuménique ausens large.
Appel aux références orthodoxes, mais aussi soufis (cf & 233), et enfiligrane, bouddhistes (notion d’interdépendance), et s’adresse à tous les croyants et, plus largement, à tous les habitants de la Maison Commune. (cf .Prière pour les non chrétiens). - Importance de la reconnaissance des sagesses et des cultures des peuples premiers.
Notamment lors du synode panamazonien en 2017 - Met en évidence les liens entre écologie et spiritualité:
o Entre la terre et le ciel, entre la matière et le souffle, le corps et l'esprit… trop souvent dissociés : « la spiritualité n’est déconnectée ni de notre propre corps, ni de la nature, ni des réalités de ce monde ; la spiritualité se vit plutôt avec celles-ci et en elles, en communion avec tout ce qui nous entoure » LS 216.
o La spiritualité est première « Il ne s’agit pas de parler tant d’idées, mais surtout de motivations qui naissent de la spiritualité pour alimenter la passion de la préservation du monde». LS 216
o l’écologie est partie intégrante de notre foi. « L’écologie n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne ». - Développe une approche holistique, intégrale de l’écologie.
o « TOUT EST LIÉ » qui revient comme un leitmotiv, souligneque la question écologique n’est pas dissociée de la question sociale, ni de la question économique ou de la question spirituelle. « Écouter le cri des pauvres, écouter le cri de la Terre », phrase clé ! Importance accordée à la relation fraternelle développée dans Fratelli Tutti.
o « TOUT EST LIÉ » fait aussi référence à la notion d’interdépendance. L’encyclique propose une approche « éco-systémique » au sein de laquellel’interdépendance de toutes les créatures est mise en évidence. « L’interdépendance des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la petite fleur, l’aigle et le moineau : le spectacle de leurs innombrables diversités et inégalités signifie qu’aucune des créatures ne se suffit à elle-même. Elles n’existent qu’en dépendance les unes des autres, pour se compléter mutuellement, au service les unes des autres » (LS 86) (ou LS 92) - La remise en questionnement de l’anthropocentrisme (despotique, déviant, dévié…), reliée à la notion d’interdépendance a des conséquences :
o Interroge la place de l’humain au sein de la Création, ainsi que sa responsabilité enversles autres créatures. « La Bible ne donne pas lieu à un anthropocentrisme despotique qui se désintéresserait des autres créatures ».
o Appel à la reconnaissance de chaque créature dans son être propre et non pour l’utilité qu’elle peut avoir pour nous « Pour cette raison, les Évêques d’Allemagne ont enseigné au sujet des autres créatures qu’« on pourrait parler de la priorité de l’être sur le fait d’être utile». (LS – 69)
o Ouvre à la dimension d’immanence, à la dimension de pananthéisme (Dieu en tout et tout en Dieu). Double mouvement : Dieu présent dans la Création « Les différentes créatures, voulues en leur être propre,reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies de Dieu ». (LS 69 ) et en contemplant laCréation, on peut voir Dieu « La grandeur et la beauté des créatures fontcontempler, par analogie, leur Auteur »(Sg 13, 5), (LS 12)
o Ouvre à la dimension de fraternité cosmique. Cela revient à de nombreuses reprises avec différentesmots : « fraternité sublime » & 221, « famille universelle », « communion sublime » & 89 – « Créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble », ou encore « Communion universelle » titre du chapitre 5+ & 72, 96 et 220 - Dimension contemplative et mystique de LS.
« Il y a donc une mystique dans une feuille, dans un chemin,dans la rosée, dans le visage du pauvre »(LS 233). Et la note 159 faisant référence à un très beau texte soufi. - Courage d’une critique forte du système néo-libéral, du paradigme technocratique, du mythe de la croissance infinie, de la culture dudéchet etc.
- Appel à la sobriété évangélique, notamment comme antidote au consumérisme ( LS 222, 223…) et à une conversion de nos modes de vie.
- Aspect militant de l’encyclique.
Appel fort à résister, à s’engager, à militer et… Soutien clair aux mouvements engagés en écologie (LS 13-14- 166 ...). La société civile doitfaire pression sur le politique. Appel à la rébellion des jeunes ! Nécessité de l’engagement repris dans Laudate Deum. - Appel à une conversion radicale et intégrale (LS 217 )
Pas que les gestes, mais aussi les cœurs, notre culture,notre vision, nos relations, notre foi…. - Ouverture à la dimension corporelle, timide, mais réelle.
Quelques paroles montrant l’importance du corps et du lien entre lafaçon dont nous traitons notre corps et le corps de la Terre. « Il faut reconnaître que notre propre corps nous met en relation directe avec l’environnement et avec les autres êtres vivants. L’acceptation de son propre corps comme don de Dieu est nécessaire pour accueillir et pour accepter le monde tout entier comme don du Père et maison commune ; tandis qu’une logique de domination sur son propre corps devient une logique, parfois subtile, de domination sur la création.» ( LS 235)
3 - Quelle spécificité d’une écologie chrétienne (par rapport aux autres religions) ?
Le christianisme, religion du Verbe incarné
o Dieu s’est fait chair en Christ quirécapitule en lui toute la Création.
Cette dimension de l’incarnation, du corps justement, de lamatière, de la Terre… est primordiale. Elle apporte le lien entre la dimension de transcendance de Dieu et de son immanence. « Le christianisme ne refuse pas la matière, la corporéité,qui est au contraire pleinement valorisée dans l’acte liturgique, dans lequel le corps humain montre sa nature intime de temple de l’Esprit et parvient à s’unir au Seigneur Jésus, lui aussi fait corps pour le salut du monde ». (LS 235)
o Dieu est présent sur Terre à travers et dans sa Création, unifiée et transformée en Christ. "Selon l’expérience chrétienne, toutes les créatures de l’universmatériel trouvent leur vrai sens dans le Verbe incarné, parce que le Fils de Dieu a intégré dans sa personne une partie de l’univers matériel, où il a introduit un germe de transformation définitive » (LS 235)
o L’Eucharistie au cœur de notre foi et de notre engagement.
Dans la communion au corps du Christ, nous communions à laCréation toute entière. « Dansl’Eucharistie, la création trouve sa plus grande élévation. …. Dansl’Eucharistie la plénitude est déjà réalisée ; … Uni au Fils incarné, présent dans l’Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu. En effet, l’Eucharistie est en soi un acte d’amour cosmique ! …
o «L’Eucharistie unit le ciel et la terre,elle embrasse et pénètre toute la création. C’est pourquoi, l’Eucharistie est aussi source de lumière et de motivation pour nos préoccupations concernant l’environnement, et elle nous invite à être gardiens de toute la création »- (LS 236)
Le Salut pour tous les vivants
o Idée reprise plusieurs fois de notre rédemption commune. « Cela nous projette à la fin des temps, quand leFils remettra toutes choses au Père et que « Dieu sera tout en tous » (1Co 15, 28). De cette manière, les créatures de ce monde ne se présentent plus à nous comme une réalité purement naturelle, parce que le Ressuscité les enveloppe mystérieusement et les oriente vers un destin de plénitude ».
o Et de responsabilité de l’humain à œuvrer à la transfiguration de toute la Création (et non à sa défiguration). « La fin ultime des autrescréatures, ce n’est pas nous. Mais elles avancent toutes, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu, dans une plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout ; car l’être humain, doué d’intelligence et d’amour, attiré par la plénitude du Christ, est appelé à reconduire toutes les créatures à leur Créateur ». (LS 83 )
La dimension de l’espérance
Reliée à l’idée de salut, la dimension proprement chrétienne de l’espérance nous ouvre des portes. Ce que nous ne parvenons pas à faire par la somme de nos actes, Dieu peut le faire par la force de son amour. Idée d’une incertitude qui peut être un miracle. L’espérance commence là où finit l’espoir.
Notre foi fait de nous des écologistes, des protecteurs de l’œuvre de Dieu… Et son contraire, c'est-à-dire la participation à sa défiguration, des pécheurs. L’écologie est un chemin de transfiguration du monde. C’est énorme ! Et il est très étonnant que les Chrétiens ne le voient pas et ne soient pas les premiers protecteurs de la Création. C’est un hiatus, une incompréhension, un contresens lourd de sens…
4 - Quelle spécificité du message de LS dans son lien avec les courants écologistes ?
Dimension d’intériorité, de spiritualité
Ce qui peut manquer aux courants écologistes, pas tous, c’est la dimension d’intériorité, la dimension de reliance avec une forme de transcendance (d’élévation par l’humilité), en un mot, la dimension spirituelle, et le fait que les deux sont liés. Avec LS, l’écologie ne se réduit pas à une somme de principes, de gestes, de technologies ou de mesures à prendre, mais ouvre le champ à unedimension intérieure profonde (mystique, valeurs, motivation…)
Dimension écosystémique de LS
L’écologie, en tant que science, peut aussi avoir tendance à cloisonner les domaines. Avec LS, l’écologie devient intégrative, holistique… LS permet de sortir d’une vision réductionniste et séparatiste du monde pour considérer les relations entre les choses plutôt que les éléments séparés les uns des autres…
Permet la réconciliation avec l’écologie profonde
o Par delà les symptômes visibles, la recherche des causes profondes de nos dysfonctionnements. « J’essaierai d’arriver aux racines de la situationactuelle, pour que nous ne considérions pas seulement les symptômes, mais aussi les causes les plus profondes ».(LS15), et des solutions pas seulement techniques « Les solutions purement techniques courent le risque des’occuper des symptômes qui ne répondent pas aux problématiques les plus
profondes ». (LS 144 )
o LS nous invite à interroger les « normoses » (les choses que noustrouvons normales, acquises et qui, en fait, sont des habitudes délétères qui contribuent à la défiguration du monde) on peut les appeler aussi « les structures de péché ».
o LS ainsi que l’écologie profonde soulignent l’importance de l’émerveillement, de la gratitude, de la contemplation …
o LS, comme l’écologie profonde, s’appuie sur la compréhension de notre interconnexion radicale avec toutes les formes de vie.
o La dimension d’empathie, de compassion… qui naît de la compréhension de l’interdépendance entre toutes choses. Le Pape nous invite à « oser transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde, et ainsi à reconnaître la contribution que chacun peut apporter » – (LS 19).
o La dimension de conversion intégrale…, un appel à changer de vision pour changer notre relationau monde, peut être assimilée à la dimension de « Great Turning » de la transition, ou de Changement de Cap…des milieux écologistes.
o Cela rejoint les propos de l’écopsychologie qui nous invite à prendre en considération les émotions difficiles que nous éprouvons face à l’état du monde, touche à la dimension
d’éco-anxiété ou de solastalgie.
Fait lien avec avec l’écopsychologie et le Travail qui relie en particulier qui s’appuie sur 4 étapes pour vivre la conversion :
1- S’ancrer dans la gratitude. Appel clair du Pape à recevoir la vie comme un don de Dieuet une grâce - « En premier lieu, la conversion implique gratitude et gratuité, c’est-à-dire une reconnaissance du monde comme don reçu de l’amour du Père » (LS 220).
2- Honorer notre peine pour le monde. Clairement le Pape appelle à ouvrir les yeux sur l’état dumonde, d’en prendre une « douloureuse conscience », de ne pas se défiler, de regarder les choses en face, d’être courageux.
3- Changer de vision; sortir du modèle extractiviste - productiviste –consumériste–technocratique…, considérer nos actes à l’aune du temps long (et pas seulement politique), apprendre à ralentir, sortir des systèmes de domination systémiques, des structures de péché, redonner sa place aux sagesses premières, interroger les dynamiques de pouvoir, élargir le sens de la communauté, revisiter nos schémas mentauxet...)
4- Aller de l’avant. Le Pape est très clair sur la dimension engagée de la spiritualité chrétienne (L 216, 217, 218) « Vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu estune part essentielle d’une existence vertueuse ; cela n’est pas quelque chose d’optionnel, ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne. « . (LS 217). « Dieu qui nous appelle à un engagement généreux, et à toutdonner, nous offre les forces ainsi que la lumière dont nous avons besoin pour
aller de l’avant. » (LS 245 )
Nous pourrions retenir de l’écologie profonde, les pratiques de contemplation, d’immersion sensible, d’ouverture à la fraternité inter-espèces, d’ouverture et de prise en compte des émotions, du corps…
Proposition d’atelier expérientiel autour de phrases ouvertes (sur labase du Travail qui Relie)
5- Qu’est ce qui achangé fondamentalement avec Laudato Si’ ?
Reconnaissance et légitimité pour les déjà engagés.
Pour les personnes et les mouvements déjà engagés en écologie, cela a été une sacrée confirmation des intuitions présentes et des combats menés, mais aussi un énorme encouragement pour continuer. « L’importance des choses pour lesquelles on se battait est confirmée.Enfin, tout va changer, et nous allons pouvoir avancer tous ensemble sans avoir peur de dire « Sœur notre mère la Terre » sans être traitée d’adorateurs de Gaïa». Ce n’est pas moi, c’est le Pape qui l’a dit ». Énorme soulagement ! Énorme espérance! Point zéro d’une nouvelle ère.
Pas un événement pour tout le monde
Mais cela ne semble pas forcément avoir été pris comme cela par tout le monde. Dans certains milieux catholiques, des personnes considèrent que cette doctrine n’est pas légitime ou ne les concerne pas, que l’écologie ne fait pas partie des préoccupations dignes d’intérêt pour un
chrétien. Difficile de jauger cette réalité, si ce n’est peut-être par le sondage du journal Lacroix auprès des catholiques en 2023 [2] . La moitié des sondés (seulement) considèrent que l’Eglise doit s’engageren écologie, et parmi ces 50% seulement 1/3 y voit une dimension spirituelle. Seulement 20 % de ces catholiques indiquent que leurs « réflexions écologiques et spirituelles se nourrissent l’une et l’autre ». Certains pensent qu’il est important de faire de choses par rapport à l’écologie, mais ne voient pas le rapport avec leur foi.
[2] Il s’agit de l’enquête réalisée par Parlons Climat et qui a été présentée aux animateurs LS à la rencontre de mai 2024, dont les supports et l’enregistrement sont disponibles dans les ressources.
Cette enquête étudie toutes les personnes qui se déclarent catholiques pratiquantes, quelle que soit leur pratique religieuse, et s’intéresse donc à un panel très large (catholiques pratiquants réguliers de la messe, catholiques avec une pratique individuelle loin de l’institution, personnes se
considérant catholiques par tradition mais sans pratique religieuse, …).
Catalyse et rend accessibles les intuitions de l’écologie spirituelle.
L’encyclique a concentré en un seul recueil un ensemble d’intuitions, d’explorations, de paroles, de pistes…., disséminées et peu audibles auparavant, et a rendu la question de l’écologie spirituelle accessible.
LS est une référence sur laquelle on s’appuie dans nos plaidoyers en interne (Evêque, paroisse, curé, fidèles…) et en externe, vers les milieux écolo et laïques (même si mesuré). Le Pape s’adresse à tous les habitants dela maison commune, pas qu’aux chrétiens.
LS, pont de communication entre différents milieux et différentes obédiences. Avec les orthodoxes, notamment par la vision d’un Christ Cosmique, et l’accent mis sur l’immanence de Dieu dans la
nature, etc… Pas mal de protestants citent l’encyclique.
Cela a généré de nouvelles vocations,
Des personnes, des organisations, des lieux se sont créés dans l’élan de Laudato Si’ ,
- Des groupes Laudato Si’ dans les paroisses, du lien inter-organisations,
- Les organisations caritatives plus spécifiquement axées sur le social, comme le CCFD, ont largement développé la dimension écologique,
- Des monastères, abbayes, centres spirituels s’engagent ou confirment leur engagement. Grandes abbayes bénédictines, Notre Dame du Chêne et Centre spirituel du Haumont, Centre jésuite du Châtelard….
- Création du Dorothy à Paris, du Café Simone à Lyon et les alters-éco.
- Création d’un poste « Responsable écologie intégrale à la CEF » avec Elena Lasida qui a beaucoup œuvré (même si ce poste a été supprimé ensuite ).
- Création des « référents à l’écologie intégrale » dans les diocèses. Un peu marche arrière avec la supression du poste de Pascal Balmand, responsable des délégués…
- Grande rencontre de Lourdes en 2019 inaugurant un parcours de 3 ans. Un grand moment, avec beaucoup de nouveautés, laïcs, témoins pas forcément chrétiens, du Travail qui Relie, de la Gouvernance partagée, des outils d’intelligence collective… : un grand espoir de mon point de vue. Mais quelles suites ?
- Église Verte boostée par Laudato Si’. Idée existait, dans les pays voisins notamment, mais a certainement aidé à sa naissance en France.
- Cela a généréla publication d’ouvrages, de revues, de rubriques:
o Le blog "Eglise et écologie" du père Dominique Lang
o La revue « Limites » à l’époque avec Gauthier Bes
o Ceras et la revue Projet s’engage sur le sujetavec divers événements
o La revue « Étude » traite de la question assez souvent
o "Le Christ Vert" d’Etienne Grenet (qui a donné lieu à des parcours)
o Génération Laudato Si’, l’église au défi de l’écologie, par Dominique Lang
o Laudato si en actes, petit guide de conversion écologie de Marie-Hélène Lafarge….
o Et bien d’autres ….
- Quelques limites, questionnements, attentes …
L’encyclique n’est pas allée sur tous les fronts, et sur certains, elle s’est exprimée de façon prudente.
- Il n’y a pas, et certains peuvent le regretter, de prise de position sur les OGM et peu sur le nucléaire.
- Même s’il y a une énorme ouverture sur le lien fraternel avec les créatures, dans le concret du terrain cela reste mitigé sur la question animale selon certains courants de protection animale
comme IFAW qui souligne, que le plus souvent le respect ou la considération pour les animaux est nuancé (diminué) d’un « mais » ou de l’incidence que cela aura sur les humains. « Le cœur est unique, et la mêmemisère qui nous porte à maltraiter un animal ne tarde pas à se manifester dans
la relation avec les autres personnes »ou « Toute cruauté sur une quelconquecréature « est contraire à la dignité humaine » (LS 92 cf Cathéchisme de l’Eglise catholique). Ou « il estcontraire à la dignité humaine de faire souffrir inutilement les animaux et de gaspiller leurs vies ». (LS 107 ) Toute utilisationou expérimentation « exige un respect religieux de l’intégrité de lacréation ». (LS 130) suppose que le faire reste possible. Vivre une véritable communion fraternelle ne supposerait-il pas
d’aller un cran plus loin ?
- La place de la femme. Là, ça manque un peu de consistance, le mot femme n’apparait que 3 fois (et en lien avec homme et femme, le mot féminin, jamais). Plus développé dans Fratelli
Tutti.
Toutes ces « limites » sont en faitdes appels à exploration et ouverture pour la suite et une invitation à sortir encore plus de nos schémas mentaux limitants, même si c’est inconfortable.
Conclusion. And then ?
État des lieux - Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Importance de souligner les choses positives nonpour leur quantité (jamais assez face à l’ampleur des enjeux), mais pour la force et la motivation qu’elles contiennent. « Il ne sera pas possible, en effet, de s’engager dans de grandes choses seulement avec des doctrines, sans une mystique qui nous anime, sans « les mobiles intérieurs qui poussent, motivent, encouragent et donnent sens à l’action personnelle et communautaire ». (LS 216 )
10 années sont passées et l’état du monde semblepire qu’avant, l’écologie recule, le climato-scepticisme augmente, les chrétiens semblent froids sur la question écologique … Pourquoi ? « Les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, même parmi les croyants, vont de la négation du problème jusqu’à l’indifférence, la résignation facile, ou la confiance aveugle dans les solutions techniques. Il nous faut une nouvelle solidarité universelle. » (LS 14)
Constat amer dans beaucoup de paroisses :« je me sens seul-e à porter celadans ma paroisse. Tout le monde s’en fout, même le curé !». Sentimentd’isolement, d’impuissance, de colère, de renoncement, d’incrédulité … Le Pape lui-même a jugé opportun de faire une mise à jour par Laudate Deum, même si principalement consacré à la questionclimatique. Urgence d’aller plus loin, plus fort, de ne rien lâcher… Parce que de l’autre côté, ça pousse fort (dérèglement, mais aussi puissance inverse des lobbies des énergies fossiles, de ceux qui ont intérêt à ce que cela reste
ainsi le plus longtemps possible, force des habitudes et de la lassitude..).
Vers une conversion intégrale ?
Comment répondre à l’appel du Pape à laconversion sans, quelque part, renoncer à nombre de choses confortables qui forment l’assise de nos vies. « Viens, lâche tout et suis moi ! » Qui d’entre nous est capable derépondre à cela ? La prédication principale du Christ (et celle qu’il demande de proclamer à ces disciples) : « Convertissez-vous ! , le royaume est proche » nous exhorte et nous encourage. On considèreencore l’écologie comme un aspect marginal, alors que c’est aujourd’hui un
aspect central de la conversion. (merci à notre ami Gilbert Landais de Chrétiens Unis pour la Terre pour cette remarque !). « Les chrétiens ont donc besoin d’une conversion écologique, qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui les entoure. Vivre la vocation de protecteurs de l’oeuvre de Dieu est une part essentielle d’une existence vertueuse ; cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dansl’expérience chrétienne ». (LS 217 ). Ce que nous ne réalisons pas toujours c’est que la crise écologique (large) est une opportunité formidable, un signe des temps, « un appel à une profondeconversion intérieure » (LS – 217 )
Comment faire ? Pistes portées par l’encyclique
- Puiser dans notre spiritualité, notre pratique, notre foi et le soutien de Dieu la force et le courage de notre conversion.
- L’envisager de façon personnelle, mais aussi collective, « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que ledéfi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous » . ( LS 14 )
- Interroger en vérité les schémas mentaux qui nous empêchent d’aller plus loin, les habitudes, les privilèges, le confort (cf.changer de vision)
- Reconnaître nospéchés, demander pardon et œuvrer à la réconciliation à l’image de St-François en reconnaissant notre fraternité avec toutes les créatures. « Pour réaliser cette réconciliation, nous devons examinernos vies et reconnaître de quelle façon nous offensons la création de Dieu par nos actions et notre incapacité d’agir. Nous devons faire l’expérience d’une
conversion, d’un changement du cœur ». (LS 218)
- Cultiver l’émerveillement et lagratitude, en pratiquant notamment la contemplation religieuse en nature,
- Développer notre sensibilité, notre empathie pour le Vivant.
- Laisser la place à la puissance du Miracle… et croire que le miracle est possible.
Merci !